La Maison d’accueil « Le 30 » : un tremplin vers la réinsertion
À travers son Pôle Carcéral, Caritas Alsace intervient des deux côtés des murs de la prison : pour accompagner, écouter et reconstruire des trajectoires de vie fragilisées. Dans un contexte de surpopulation carcérale et de lutte contre la récidive, l’accompagnement et l’insertion des sortants de prison est un enjeu crucial, à la fois humain et sociétal.
C’est dans ce cadre que s’inscrit « Le 30 », une maison d’accueil pas comme les autres, installée au cœur de Strasbourg, dans les anciens locaux de la communauté franciscaine. Ce lieu peut héberger jusqu’à 9 hommes âgés de 18 à 73 ans, tous placés sous-main de justice. Qu’ils soient en permission de sortie, en aménagement de peine ou sous contrôle judiciaire, chacun y trouve un accompagnement individualisé, pensé pour favoriser une véritable reconstruction.
Volontariat, responsabilisation, accompagnement pluridisciplinaire : autant de piliers qui font du « 30 » un dispositif innovant. Son nom fait référence à son adresse d’origine, celle d’un ancien accueil de jour ouvert en 2013, devenu aujourd’hui un lieu clé de la réinsertion carcérale porté par Caritas Alsace.
Un accompagnement global, pour reconstruire pas à pas
« Ici, on ne fait pas à la place, mais avec », affirme Stéphanie, éducatrice spécialisée et responsable du lieu. Le principe fondateur du 30 ? Offrir un accompagnement global et personnalisé à des personnes placées sous-main de justice : détenus en fin de peine, permissionnaires, ou encore personnes sous contrôle judiciaire socio-éducatif.
Tous sont volontaires et ont exprimé leur souhait d’être accompagnés dans une démarche de réinsertion, dans le cadre d’un aménagement de peine accordé par le Juge d’Application des Peines.
Cet accompagnement inclut une aide pour favoriser l’accès au logement, à la santé, à l’emploi, aux droits, mais surtout à une place dans la société. « La réinsertion ne se limite pas à retrouver un travail. C’est aussi reconstruire une vie sociale, une stabilité, un lien à soi et aux autres », insiste Gaëlle, responsable du pôle carcéral de Caritas Alsace.
Une réponse concrète contre la récidive
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon les études, 63 % des personnes libérées sans aménagement de peine (sorties dites « sèches ») récidivent dans les 5 ans.
En revanche, ce taux tombe à 35 % pour les sortants bénéficiant d’un accompagnement comme celui proposé par Le 30. Ce dispositif est donc un véritable levier de réinsertion et de lutte contre la récidive, en lien étroit avec la justice et le SPIP (Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation). Chaque résident est suivi par un conseiller d’insertion et de probation, avec qui l’équipe de la maison échange régulièrement.
Une équipe plurielle, des regards croisés
La richesse du 30, c’est aussi son équipe mixte et pluridisciplinaire : salariés, veilleurs de nuit, psychologue et une dizaine de bénévoles. Chacun apporte un regard complémentaire dans une démarche de cohérence éducative.
Marc, bénévole depuis deux ans, témoigne : « Je viens une à deux fois par semaine selon les besoins. Ce sont des moments de relations simples, authentiques, où le respect est mutuel et la confiance se construit peu à peu, avec le temps. On forme une vraie équipe avec les salariés. »
Les profils des bénévoles sont aussi variés que riches : ancien juge, médecin du travail, avocate, communicant… Des personnes qui, souvent, ne s’imaginaient pas un jour « boire un café avec des anciens détenus » et qui découvrent ici la puissance du lien humain, sans jugement.
Une vie collective structurée, humaine et choisie
Au 30, la vie quotidienne est rythmée par des temps collectifs : soirées jeux ou musique le lundi, petits déjeuners partagés le mercredi, sorties culturelles, promenades…
« Ce sont les résidents qui choisissent les activités, rien n’est imposé. Ils y participent s’ils en ont envie. Il y a beaucoup de partage, de vrais liens se tissent et perdurent entre les personnes accueillies. Des amitiés naissent, de belles rencontres ont lieu… Notre mission en tant que bénévole, c’est d’être en dialogue avec elles, de construire ensemble. » témoigne Marc, bénévole.
C’est là toute la force du « 30 » : un lieu où se tisse une véritable réalité d’humanité, loin des idées préconçues. Ce n’est pas un espace brut ou imposé, mais bien un cadre structurant, humain, où chacun a sa place et peut avancer à son rythme.
Ces moments, coconstruits avec les résidents, participent à la reconstruction du lien social. « Ce sont parfois des hommes très jeunes, parfois des seniors, jusqu’à 73 ans. L’hétérogénéité du groupe crée des formes de solidarité intergénérationnelle. Certains se soutiennent comme des grands frères, voire comme des figures paternelles », confie Stéphanie.
Un lieu d’écoute, de respect et de dignité
Les personnes accueillies restent en moyenne six à huit mois, le temps de consolider un parcours, d’ouvrir des droits, d’entamer une formation ou de retrouver un logement. Le cadre est clair : des horaires à respecter, des autorisations de sortie à demander, mais aussi un espace de liberté, de parole et de reconstruction.
Le respect mutuel est au cœur du dispositif. « Ce qui me marque, ce sont les rencontres. Des mondes très différents qui se croisent, dans une simplicité désarmante », partage Stéphanie.
Pour Gaëlle, cela illustre un principe fondamental : « Plus on multiplie les rencontres, plus on apprend. Rien n’est figé. La vie est faite de parcours, de rebonds. La liberté, ça s’apprivoise, ça s’accompagne. »
Un projet ancré dans l’humain et le quotidien
Le lieu, sobre et accueillant, participe aussi à la qualité de l’accueil. Ancienne maison franciscaine, le bâtiment est lumineux, paisible. « Les résidents sont sensibles à ce cadre. Ils s’y sentent bien, ils en prennent soin », souligne Stéphanie.
Ici, on n’étiquette pas. On accompagne des hommes, avec leurs histoires, leurs difficultés, mais aussi leurs forces, leurs désirs de s’en sortir. Et souvent, même après leur départ, le lien se maintient. Certains donnent des nouvelles, repassent saluer l’équipe, partagent leur avancement.
Une mission plus large, un engagement constant
Le 30 s’inscrit dans un dispositif plus large mené par le pôle carcéral de Caritas Alsace, qui intervient aussi en détention : aide matérielle pour les personnes dites « indigentes », écrivains publics, dons de vêtements, maintien lien familial… avec toujours la même philosophie : prendre la personne dans sa globalité, avec respect et humanité.
En bref, le 30, c’est…
- 1 maison d’accueil à Strasbourg pour personnes sous-main de justice
- 9 places d’hébergement pour personnes sous main de justice
- Une équipe mixte : éducatrice spécialisée, psychologue, veilleurs, 10 bénévoles
- Une vie collective structurée : soirées, repas, sorties
- Un accompagnement global : logement, santé, emploi, droits, lien social
- Une vraie alternative qui lutte contre la récidive